Financement de l'audiovisuel public : la dernière chance
Lettre ouverte aux parlementaires co-signée par la GARRD, la SCAM et la Boucle documentaire
Mesdames, Messieurs les député.es,
Mesdames, Messieurs les sénateur.ices
Défenseurs d’un service public audiovisuel indépendant, fort et vecteur d’une création dynamique, très inquiets de l’incertitude qui entoure son financement, nous souhaitons appeler votre attention sur la nécessité de pérenniser le mécanisme actuel consistant à lui affecter une fraction des recettes de TVA.
Nos antennes publiques et tous les services numériques qui y sont associés se trouvent sans solution de financement après le 31 décembre prochain. Après la suppression de la contribution à l’audiovisuel public décidée brutalement par le Président de la République en cours d’année 2022, un dispositif transitoire a permis jusqu’alors de sécuriser le financement des services de l’audiovisuel public en lui réservant une fraction des recettes de TVA. Mais, un amendement à la Loi organique relative aux lois de finances (LOLF) de 2021, le rend inapplicable dès 2025, compte tenu de l’absence de lien direct entre cette taxe et la mission de service public associée à ces antennes.
Sans dispositif de financement spécifique adopté avant la fin de l’année, le budget de France télévisions, Radio France, France médias monde, l’INA et Arte, sera réglé par une dotation budgétaire provenant du budget général de l’Etat, et placé sous la menace des décisions de l’exécutif et sa direction du budget. Cette année déjà, des ajustements à la baisse ont été opérés sur « l’enveloppe complémentaire » débloquée sur résultats des groupes publics, par décision de l’exécutif : les décrets d’annulation de crédits l’ont amputée de 20 millions d’euros (sur 69 M€) en début d’année, avant qu’elle ne soit complètement suspendue en mai.
En outre, l’adoption d’un outil permettant un financement pérenne après 2024 est devenue une exigence désormais portée par le Conseil constitutionnel (une décision du 12 août 2022 demande au législateur d’adopter un mécanisme de financement pérenne avant le 31 décembre 2024), et par l’Union européenne depuis l’adoption du règlement européen sur la liberté des médias entré en vigueur le 7 mai dernier (son article 5 demande aux Etats membres d’établir des « ressources financières suffisantes, durables et prévisibles » permettant aux groupes audiovisuels de satisfaire leur mission de service public).
Conscients de l’importance capitale de ce sujet, plusieurs parlementaires ont déposé des propositions de loi (PPL) pour assurer une solution pour 2025 :
- A l’Assemblée nationale, une PPLO de Mme le Grip déposée le 20 juillet, s’appuie sur la mise en place d’un prélèvement sur recettes ;
- Au Sénat, une PPL de Mme Robert déposée le 23 juillet, avance la mise en place d’un financement citoyen fondé sur les facultés contributives de chacun... ;
- ... et une PPLO des sénateurs de la droite et du centre portée par M. Vial déposée le 10 juillet, propose de pérenniser le mécanisme transitoire qui s’appuie sur la TVA en révisant la LOLF.
Pour les auteurs et autrices de documentaires et de reportages que nous représentons, et compte tenu de l’importance des antennes publiques pour notre répertoire, idéalement le modèle le plus souhaitable demeure, de loin, celui d’une taxe affectée et socialement juste, ce qui correspond à la proposition de la sénatrice Sylvie Robert.
Dans les pays nordiques où les médias publics sont financés selon un système de contribution progressive tenant compte des revenus de chaque ménage, on a constaté à la fois une augmentation des recettes des éditeurs publics et un allègement de la charge moyenne de la redevance pour les citoyens .
Néanmoins, compte tenu de l’urgence de la situation, il n’est malheureusement pas réaliste d’envisager que ce texte puisse être inscrit à l’ordre du jour des assemblées parlementaires et rencontrer un vote favorable avant la fin de l’année.
Le mécanisme du « prélèvement sur recettes », quant à lui, est aujourd’hui strictement réservé au financement des collectivités territoriales et de l’Union européenne, il nécessite une révision de la LOLF pour élargir sa définition. Cette solution, qui a le mérite de vouloir protéger l’indépendance du service public, suscite cependant un important scepticisme chez plusieurs spécialistes des finances publiques, et force est de constater qu’elle risquerait fortement de rencontrer l’hostilité des commissions des finances des assemblées, au Sénat en particulier. Cette PPL n’est en outre à ce jour pas inscrite à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale.
En revanche, la proposition de loi de M Vial visant à modifier la LOLF de 2021 est déjà inscrite à l’ordre du jour au Sénat, et son examen en séance publique y est programmé pour le 23 octobre. Une fois adopté au Sénat, et compte tenu du calendrier extrêmement contraint, le texte devra recevoir un vote favorable et conforme à l’Assemblée nationale. Sans cette configuration, la continuité du service public de l’audiovisuel est fortement menacée.
A défaut, les éditeurs publics resteront tributaires, dans le cadre du PLF, des aléas budgétaires et des corrections toujours possibles en cours d’année des trajectoires initiales contenues dans la Loi de Finances. Ces aléas sont aggravés par l’instabilité politique actuelle.
Compte tenu de l’urgence, nous considérons que cette solution doit donc prévaloir pour 2025. Elle ne retire rien à la possibilité pour l’avenir de mettre en œuvre une redevance citoyenne pérenne et socialement juste.
Les auteur.ices, réalisateur.ices de documentaires et de reportages que nous représentons, savent combien les télévisions et radio publiques, premiers pourvoyeurs de programmes documentaires, ont un caractère systémique pour notre filière, mais aussi pour la création. Avant l’été, un nouvel accord signé avec les représentants des producteurs et les auteurs et France télévisions, le groupe public s’engage à investir 105 M€ dans la création documentaire chaque année jusqu’en 2027, un montant en hausse. Le groupe continue de financer et diffuser des documentaires qui ne seraient visibles nulle part ailleurs sur des thématiques historiques ou sociales. Ils génèrent chaque année des droits pour environ 5000 auteurs et autrices. Sur Radio France, plus de 8000 heures de programmes du genre documentaire sont diffusés chaque année, ils représentent près du quart du temps d’antenne de France Inter et près d’un tiers de celui de France culture, et contribuent à attirer chaque semaine 15 millions d’auditeurs.
Pour toutes ces raisons, nous appelons chacun et chacune d’entre vous, au-delà des clivages partisans, à voter dans sa rédaction actuelle et donc sans amendements, la proposition de loi du sénateur Vial.
Vous remerciant pour l’attention que vous voudrez bien porter à ce courrier, et restant à votre disposition, nous vous prions de croire en l’expression de notre parfaite considération.

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